Tensions entre institutions en RDC : Vital Kamerhe recadre Dieudonné Kamuleta et exige l’arrêt des poursuites contre Matata Ponyo

Un bras de fer institutionnel s’intensifie en République démocratique du Congo entre la Cour constitutionnelle et l’Assemblée nationale, alors que le président de cette dernière, Vital Kamerhe, monte au créneau pour défendre les immunités parlementaires de l’ancien Premier ministre et actuel député, Augustin Matata Ponyo.
Dans une correspondance officielle datée du 25 avril et adressée au président de la Cour constitutionnelle, Dieudonné Kamuleta, Kamerhe exige la suspension immédiate des poursuites judiciaires engagées contre Matata Ponyo. Il invoque l’article 107 de la Constitution, selon lequel un député ne peut être poursuivi en session parlementaire sans la levée préalable de son immunité par l’Assemblée nationale.
« Sans vouloir entraver le bon fonctionnement de la justice, et en adhérant à la lutte contre l’impunité, je vous prie de constater ce préalable incontournable », écrit Kamerhe, qui rappelle que la procédure en cours viole les principes fondamentaux de l’État de droit et compromet l’inviolabilité des élus du peuple.
La sortie du président de la Chambre basse intervient dans un contexte judiciaire tendu. Le 23 avril dernier, lors d’une audience très médiatisée, le procureur général près la Cour constitutionnelle a requis dix ans de travaux forcés et dix ans d’inéligibilité à l’encontre de Matata Ponyo, principal accusé dans le dossier du projet agro-industriel de Bukanga-Lonzo. Il a également demandé son arrestation immédiate, bien que le député ne se soit pas présenté à l’audience.
Deux autres coaccusés sont également visés : Déogratias Mutombo, ancien gouverneur de la Banque centrale, encourt cinq ans d’inéligibilité, tandis que Christo Grobler Stephanus, dirigeant d’AFRICOM, risque une expulsion définitive du territoire congolais.
L’enquête de l’Inspection générale des finances (IGF) a révélé que 83 % des fonds débloqués pour le projet soit environ 280 millions de dollars ont été transférés vers des entités sud-africaines, notamment AFRICOM, sans appel d’offres. L’IGF pointe du doigt une gestion opaque, des sociétés fictives, et une société holding sans expertise ni expérience, sélectionnée malgré son absence de capacité technique.
Lors de l’audience, le président de la Cour constitutionnelle a questionné les inspecteurs sur le rôle réel de Matata Ponyo dans la gestion des fonds. Ces derniers ont affirmé que toutes les dépenses avaient été effectuées avec son autorisation, précisant que l’ancien ministre des Finances n’était qu’un délégué auprès de lui.
Face aux critiques, le président de la Cour, Dieudonné Kamuleta, a nié toute ingérence politique et a défendu l’indépendance de la justice, soulignant qu’aucun acte officiel n’a suspendu la procédure judiciaire en cours contre Matata Ponyo.
Le verdict est attendu pour le 14 mai prochain. En attendant, cette affaire cristallise les tensions entre institutions et relance le débat sur les limites entre la justice, le pouvoir législatif et le respect des droits constitutionnels.
Hope Patrick depuis Goma