Édito : un coup de balai qui interroge à Bukavu

Bukavu change. Depuis l’entrée du mouvement M23/AFC dans la ville, une transformation s’opère sous les yeux des habitants. Ce jeudi 20 février 2025, ces derniers ont participé en masse aux travaux communautaires Salongo, une initiative relancée par les nouvelles autorités.
Un exercice qui, jadis, relevait de la routine, mais qui s’était progressivement effacé face à l’indifférence des dirigeants locaux. Et pourtant, en une seule journée, Bukavu a retrouvé un semblant de propreté et d’ordre sous l’impulsion du mouvement révolutionnaire (AFC/M23).
Dans les trois communes, Kadutu, Ibanda et Bagira, les jeunes ont retroussé leurs manches. Routes nettoyées, caniveaux débouchés, chaussées arrosées. Le contraste est frappant avec l’image habituelle d’une ville livrée à elle-même.
Ce n’est pas la première fois qu’un pouvoir s’installe à Bukavu. Mais c’est la première fois qu’un mouvement armé impose une rigueur aussi soudaine en matière d’assainissement urbain. L’Alliance du Fleuve Congo (AFC), alliée au M23, a ordonné aux chefs d’avenue de mobiliser la population. Et force est de constater que l’appel a été entendu.
À Goma, où ces forces révolutionnaires se sont installées avant Bukavu, les images montraient déjà un mode de gestion marqué par l’ordre et la discipline. Un modèle inspiré des pays voisins, où la salubrité urbaine est une priorité.
Un contraste brutal avec le passé
Pendant des années, Bukavu a été abandonnée à l’insalubrité et au laxisme. Or, en quelques jours seulement, une nouvelle dynamique est en train de s’installer. Cette situation pose une question troublante : fallait-il attendre l’arrivée du M23/AFC pour que Bukavu se refasse une beauté ?
Un habitant, Shukuru Shangalume, exprime son étonnement :
« Allons seulement au Rwanda, Burundi, Ouganda, Kenya… Vous allez voir comment les routes et avenues sont entretenues. Mais ici, les gens jettent n’importe quoi sur la chaussée. Ailleurs, tu jettes un plastique et on te punit. J’espère que ces nouvelles autorités (AFC/M23) vont mettre fin à ces mauvaises habitudes. »
Cette prise de conscience soulève une autre interrogation, pourquoi la population a-t-elle toujours attendu qu’on lui impose le changement au lieu de le revendiquer elle-même ?
Un sursaut ou un mirage ?
Ce réveil soudain démontre que Bukavu peut être propre et disciplinée. Mais est-ce un simple effet de l’arrivée du M23/AFC ou les prémices d’un véritable changement de mentalité ?
L’histoire nous a souvent montré que de telles réformes imposées par la force sont rarement durables. Lorsque les armes se tairont, la discipline perdurera-t-elle ? Rien n’est moins sûr. Mais une chose est certaine : Bukavu vient de prouver qu’elle peut se réinventer. Encore fallait-il que quelqu’un l’oblige.
Hope Patrick depuis Kalemie